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Transcription

  • Toussaint.

  • Ah! il te fallait un fils nu, un fils trahi et vendu, un fils arrosé de crachats… et tu m’as choisi… Merci ! Ainsi donc il te fallait de la su eur d’homme, du sang d’homme, des gémissements d’homme… des désespoirs d’hom me et tu m’nous as requis ! Merci….
  • Et quand nous étions las, rompus, fourbus, brisés, nous n’avions pour julep et baume que le ricanement du fouet, l’aboi du fouet et la morsure sauvage et la coulure acide dans nos chairs animales de l’humiliation. Merci, ma mère. Et il fallait aussi- n’est ce pas ?- à ceux qui t’ont envoyée, il leur fallait mieux que ma défaite , mieux que ma poitrine qui se rompt, mieux que mon sang qui se décompose, il leur fallait mon acceptation… il leur fallait mon oui et alors ils t’ont envoyée… Va t’en marâtre…. va t’en car je t’exècre… va t’en les mains vides… ou plutôt prends ce sac de paroles …les paroles de Toussaint, les dernières peut-être, les dernières… sans doute et porte les à ton engeance fienteuse.
  • O hommes blancs, mes frères
  • nos spectres tordus viendront hanter vos banquets
  • nous dresserons obscènes et nusnuls au milieu de vos réjouissances nos faces de scandale,
  • nos cris troubleront vos victoires
  • et les soirs de défaite vous nous verrez debouts à vos carrefours, noirs, terribles, muets… et vous aurez honte… et vous aurez peur….

(La vision disparait peu à peu.)

  • Toussaint (hagard)

  • … Une rumeur de chaine de carcans monte de la mer … un gargouillement de noyés de la panse verte de la mer… un claquement de feu, un claquement de fouet, des cris d’assassinés…
  • …. la mer brûle
  • ou c’est l’étoupe de mon sang qui brûle…
  • Oh, le cri… toujours ce cri fusant des mornes… et le rut du feu et du tambour et vainement se gonfle le vent se gonfléde l’odeur tendre du ravin moisi, d’ar-