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Geôlier.
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Dis-donc, mais il se fout de nous, le moricaud… Bien sûr qu’il fait le fou… Plus fort… encore plus fort (il frappe Toussaint).
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Toussaint.
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Frappe… frappe commandeur… frappe jusqu’au sang… il est né du sillon une race sans gémissement… frappe et lasse toi.
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Geôlière.
- Bûche ! Quelle bûche ! C’est une bûche te dis-je… une drôle de race, ces nè gres… Crois-tu que nos coups lui fassent mal…en tout cas, ça ne marque pas.
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…(elle frappe)oh! oh! son sang coule!
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Geôlier (riant)
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c’est bien connu : battre un nègre d c’est le nourrir…
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Toussaint.
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Isaac, Isaac, pourquoi rester sous la pluie… J’avais un fils… j’avais réu ssin à le préserver des morsures de cette race de scorpions…Isaac, Isaac !
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Geôlier.
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Ah ! il déraille sérieusement … C’est à mourir de rire… Dis, c’est marrant le sang rouge sur la peau noire. (ils délient Toussaint)
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Toussaint (sursautant)
- des mains coupées… de la cervelle giclante… de la charogne molle… Isaac,
- Isaac… pourquoi rester sous la pluie des scorpions venimeux ?
- les tamanoirs égarés dans les époques lapent au pavé des villes des fourmis d’aigue-marine . Les sarigues cherchent entre le joint des équinoxes un arbre roux, un arbre d’argent… une volonté se convulse dans le mastic bourbeux des fatalités et le cache-cache des vers luisants. Isaac ! Isaac !
( il s’écroule en gémissant)
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La récitante.
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Quelle nuit ! quelle neige ! C’est comme si la neige et la nuit s’étaient fu rieusement battues : de grosses masses d’ombre s’écroulent avec tout le panneau du ciel et la cavalerie des flocons se précipite au vol fouetté de ses cent mille burnous.